Interview de Pourria Amirshahi, la Charente Libre. Il a 37 ans, il est secrétaire fédéral du PS en Charente et secrétaire national. Il a un regard sans concession sur son parti mais plein d’espoir
Au lendemain de la déculottée du Parti socialiste aux élections européennes, le secrétaire fédéral en Charente Pouria Amirshahi répond à nos questions au retour du conseil national qui s’est tenu mardi soir à Paris.
En 1994, Michel Rocard avait démissionné après la défaite du PS aux européennes. Martine Aubry aurait-elle dû faire de même ?
Pouria Amirshahi. Non. Si elle démissionne, on repart obligatoirement pour un congrès. Soit six mois de surmédiatisation et de jeux des principaux acteurs devant micros et caméras. Ce qui accentuerait la mauvaise image du parti quand il y a tant à faire sur les problèmes de la France et du monde. Pour autant, je concède que son maintien au poste de premier secrétaire n’est pas non plus une garantie.
Benoît Hamon, dont vous êtes très proche, avait dit que battu il partirait. Il reste. Pourquoi ?
P. A. Il voulait partir et je compte parmi ceux qui l’ont convaincu de rester. Il est le seul ou presque dans les instances de ce parti qui parle normalement, comme un Cohn-Bendit ou un Besancenot. Il parle clair et direct. Il fallait qu’il reste. Il est l’avenir et l’espoir d’un autre PS.
Le conseil national auquel vous participiez mardi soir a duré cinq heures. Cinq heures pour quelle issue, dans quelle ambiance ?
P. A. Nous avons commencé à 300, nous n’étions plus qu’une cinquantaine à 22 heures. Je m’étais inscrit pour prendre la parole. Je me suis désinscrit après une heure et demie. Il ne s’est rien passé. Il ne se passe rien. On s’ennuie dans le parti. Ceci dit, ce congrès était nécessaire rapidement pour éviter des tirs dans tous les sens cette semaine. On y a beaucoup parlé de refondation et de rénovation. Pour l’heure, ça sonne creux.
Qu’est ce que vous proposez pour réanimer ce parti qui semble en état de mort clinique ?
P. A. D’abord le Parti socialiste n’est pas mort. Il est gravement blessé. Il faut sous huitaine des actions et des gestes forts et concrets. Il faut que Martine Aubry invite très vite autour de la table Europe écologie, le Front de gauche et le Nouveau parti anticapitaliste. Il ne s’agit pas de faire une UMP de gauche mais au moins de créer une maison commune. Chacun sa chambre mais pour tous un salon où l’on se rencontre en permanence.
Une maison commune mais quel choix : la social-démocratie, une gauche couleur marxiste ou une autre voie ?
P. A. Il faut s’ouvrir, débattre. Il faut imaginer un autre modèle de production, un autre modèle de consommation. Le rôle du PS ou d’un parti de gauche ce n’est pas de renvoyer les gens à un rôle de consommateur mais de leur rendre un rôle de citoyen. Il faut être concret de telle sorte que les gens nous entendent, ne disent plus qu’on ne ferait pas mieux que les autres.
Europe écologie a 14 eurodéputés mais ni Eva Joly, ni José Bové, entre autres, ne sont Verts. Le PS pourrait s’ouvrir ainsi ?
P. A. Les Verts avec Europe écologie, le PC avec le Front de gauche ont entamé leur propre dépassement. On sait ce qui nous reste à faire. Nous dépasser, c’est la clé. Evidemment, quand on entend Gérard Collomb, le maire de Lyon, dire qu’il ira voter à reculons aux européennes et faire la leçon mardi soir en conseil national, on voit qu’il y a du pain sur la planche. Beaucoup de gens ne sont pas à la hauteur de leur mission.
Au premier tour des législatives de 2007, les candidats du PS obtenaient plus de 60.000 voix en Charente. Dimanche dernier 22.315...
P. A. Il s’est passé en Charente ce qui s’est passé partout. Avec une petite consolation : nos résultats sont meilleurs que dans les autres départements de la grande région. Notre campagne aura peut-être été utile. Même si je regrette qu’elle n’ait pas été plus forte, que les grands élus ne soient pas impliqués ou très peu.
Ségolène Royal se tait depuis dimanche, les Verts auront des ailes en vue des régionales. Qu’en pensez-vous ?
P.A. Ségolène Royal a raison quand elle fustige le vieux parti. Elle porte en elle une vraie indignation. Elle est une bonne présidente de région qui n’a pas attendu pour agir sur le terrain de l’écologie. Pour ces trois raisons au moins, elle a des atouts, aussi bien dans la perspective des régionales que pour conserver sa dimension nationale. Et même plus puisqu’elle est désormais vice-présidente de l’Internationale socialiste.
Propos recueillis par Ivan DRAPEAU - Charente Libre du 11 juin 2009
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