Katia : Quel bilan tirez-vous de la grève d’hier ? Quelles sont les suites possibles/souhaitables à vos yeux ?
Benoît Hamon : C’est un succès pour les organisations syndicales qui préparaient ce rendez-vous depuis plusieurs semaines.
C’est ensuite un signal d’alarme pour le gouvernement, qu’il serait bien inspiré d’entendre, car il y avait eu de nombreux avertissements au préalable, qu’il n’avait pas entendus.
Quelles suites ? M. Sarkozy s’en sort en invitant les syndicats à discuter à une date qui était déjà prévue, puisqu’un rendez-vous avait arrêté avec les partenaires sociaux.
Je pense que la seule et unique réponse qui peut permettre de relancer le dialogue social porte sur le pouvoir d’achat, les salaires, les minima sociaux, les retraites, et tout ce qui peut immédiatement améliorer le pouvoir d’achat des Français.
RACHID : Que répondez-vous à l’argument selon lequel une relance par la consommation serait inefficace puisqu’elle ne ferait que favoriser les importations ?
Je ne sais pas où on a été pêcher que quand les Français achetaient, ils ne consommaient que des produits étrangers, alors qu’aujourd’hui 75 % des produits et services consommés par les Français sont des produits ou services produits en France.
C’est un argument de l’UMP pour justifier son refus de baisser la TVA. Mais c’est un argument économique irrecevable au regard de ce qu’est la structure de la consommation des ménages français.
J’ajoute que soutenir le pouvoir d’achat des Français, c’est renforcer la consommation, c’est remplir le carnet de commandes des entreprises, et donc à terme créer des emplois.
lolo : Comment le PS compte-t-il faire pour peser sur les réformes ?
Le PS a rendu public son plan de relance de l’économie. Nos propositions sont donc sur la table. Et j’observe que sur la relance du pouvoir d’achat, sur l’emploi, comme sur la lutte contre les licenciements abusifs, nos propositions convergent avec plusieurs plates-formes syndicales. Ce qui explique au passage qu’il était parfaitement légitime que les socialistes manifestent hier.
Cela étant dit, la balle est dans le camp du gouvernement : soit il continue à se retrancher entre les murs de Matignon et de l’Elysée, sourd au mécontentement des Français, et obstiné à mettre en oeuvre une politique qui a d’ores et déjà échoué, soit il permet à la démocratie de respirer et s’ouvre aux propositions de l’opposition et des syndicats, ce qui appellera forcément une sérieuse remise en cause des choix politiques mis en oeuvre jusqu’à présent.
Schwab : Pensez-vous qu’il serait possible, comme l’envisage Gäétan Gorce, de négocier avec la majorité un certain nombre de mesures inspirées du contre-plan de relance ?
On est dans des institutions aujourd’hui qui renvoient face à face l’opposition et la majorité. Pour qu’il puisse y avoir un compromis sur la réponse à la crise, encore faudrait-il que nous soyons d’accord sur le diagnostic de cette crise.
Est-ce une crise systémique (structurelle) ou une crise conjoncturelle ? La fonction des plans de relance est-elle de remettre les marchés financiers sur pied ou de profondément les règles du jeu du système ? Voulons-nous, oui ou non, modifier en profondeur la répartition capital-travail ? Etc.
Il ne me semble pas aujourd’hui que le gouvernement et le président de la République aient compris que nous sommes confrontés à un véritable renversement de cycle et que leur plan de relance ne doit pas chercher à sauver le système tel qu’il était, il aurait dû aider à préparer l’avenir et à construire les nouvelles régulations indispensables.
C’est pour cela que je crois extrêmement difficile la possibilité de parvenir à une réponse commune à la crise. Nous ne voyons pas la même chose. Nous ne voulons pas la même chose.
Patrick : Comment envisageriez-vous de réformer les lycées et les universités si vous étiez au pouvoir ?
D’abord, la première urgence que nous proposons dans notre plan de relance, c’est de stopper ce plan social qui affecte aujourd’hui l’éducation nationale qui prétend qu’on améliorera la qualité par la diminution du nombre d’adultes dans les écoles, collèges et lycées de France.
Je pense que l’éducation reste, en dépit de toutes les déclarations, une affaire de moyens. Et aujourd’hui, manifestement, ces moyens sont insuffisants.
Ensuite, je pense qu’il faut à tout prix lutter contre cette politique de renforcement des ghettos scolaires mise en oeuvre aujourd’hui par l’actuel gouvernement, la suppression de la carte scolaire renforcera la ségrégation sociale et la ségrégation scolaire.
Je crois enfin qu’aujourd’hui le gouvernement s’est inscrit pour l’Université dans la même logique que pour l’hôpital : la rentabilité, et cette politique-là me semble néfaste.
yannick : Les élections européennes sont les prochaines échéances politiques. Peuvent-elles devenir le premier débouché politique à la crise sociale en cours et le PS peut-il capitaliser sur le mécontentement ?
Evidemment, le moment où se dérouleront ces élections européennes conduira probablement une multitude d’Européens à dire par leur vote quel type de sortie de crise ils souhaitent.
D’abord parce que l’échelon européen est l’échelon pertinent pour répondre à une crise de cette intensité et de cette ampleur.
Et ensuite parce que la majorité de droite, au Conseil comme au Parlement européen, est directement responsable des conditions dans lesquelles la crise s’est déployée en Europe.
La libéralisation à outrance du marché intérieur, le démantèlement des services publics, l’affaiblissement des modèles sociaux dans toute l’Europe, sont le résultat non pas de la crise financière, mais des choix économiques et politiques mis en oeuvre par la droite, majoritaire en Europe depuis dix ans.
En conséquence, nous ferons, nous, de cette élection européenne, l’enjeu d’une bataille politique essentielle. Est-il ou non possible de changer de majorité en Europe, et donc de politique ? Nous militerons pour une majorité de gauche au Parlement européen, et donc une autre politique.
Isabelle : Serez-vous vous-mêmes candidat aux européennes en Ile-de-France ?
Je souhaite être candidat aux européennes. En Ile-de-France. A la place que mon parti jugera la meilleure.
Lucie : Pensez-vous que Ségolène Royal est un élément de “trop” ? Comment le PS accueille-t-il la publication de son livre ?
Laurent Fabius a eu une excellente formule ce matin sur France-Inter, que je reprends à mon compte : “hier, c’était journée de grève, eh bien nous commençons aujourd’hui la grève des polémiques”. Je n’ai donc pas envie de commenter certaines remarques un peu acides de Ségolène Royal à l’égard d’autres personnalités du Parti socialiste.
Il y a aujourd’hui trop de raisons de nous tourner vers les Français pour que nous cessions de nous intéresser à nous-mêmes.
Franck, Quimper : Le PS n’est-il pas “condamné” à passer des alliances avec le MoDem, les Verts, le NPA, le Parti de gauche… ?
C’est un sujet beaucoup plus simple qu’il n’y paraît.
1) Nous ne pouvons nous allier qu’avec ceux qui accepteraient un jour de gouverner avec nous.
2) Nous ne pouvons nous allier qu’avec ceux dont les orientations ne contredisent pas les nôtres.
Et cette question des alliances, qui se posera probablement dès les régionales, mais surtout aux élections nationales, ne doit être appréciée qu’à l’aune du projet politique et de la stratégie de transformation sociale que défendra le Parti socialiste, et du degré de compatibilité des uns et des autres par rapport à ce projet.
A mes yeux, le rassemblement et l’unité de la gauche restent le meilleur passeport pour vaincre un jour la droite et Sarkozy.
genifer : Seras-tu présent au congrès du Parti de Gauche et à celui du NPA ? Que penses-tu des premiers pas du parti de Melenchon ?
Je ne crois pas que nous ayons été invités au congrès du NPA. Nous avons été invités au congrès du Parti de gauche, auquel nous enverrons évidemment une délégation du secrétariat national du PS. Quant aux premiers pas du Parti de Gauche, il ressemble à ce que faisait Jean-Luc Mélenchon au sein du PS.
Mais je ne suis pas convaincu que la création d’un nouveau parti à gauche serve sérieusement le rassemblement de la gauche. Il me semble qu’il y a là quand même un petit paradoxe.
bakounine : Etes-vous socialiste ou social-democrate ?
C’est une distinction qui n’existe pas. Les socialistes français sont membres de la famille social-démocrate européenne. Et il existe dans cette famille, entre les travaillistes britanniques, les sociaux-démocrates allemands, suédois, les socialistes espagnols, les socialistes hongrois, une palette de nuances liées à leur histoire nationale, à leurs institutions, à l’histoire des luttes sociale dans chacun de ces pays, qui explique aujourd’hui qu’en tant que socialiste français, je me sente membre de la famille sociale-démocrate européenne sans pour autant en partager toutes les analyses.
sankha : Pensez-vous que la très médiatique élection d’Obama aux Etats-Unis peut être favorable à l’image de la gauche ?
Oui, parce qu’il appartient incontestablement à la même famille que nous, aux nuances américaines près. Ces nuances sont de taille, notamment sur la peine de mort, elles existent aussi sur le rôle de l’Etat.
Mais quand Barack Obama ferme Guantanamo, rompt avec le discours néoconservateur du choc des civilisations défendu par MM. Bush et Sarkozy pour s’adresser au monde musulman comme à un partenaire des Etats-Unis ; quand il dénonce les patrons américains qui se sont octroyé 14 milliards de dollars de bonus en 2008 en qualifiant leur attitude de summum de l’irresponsabilité ; ou quand aujourd’hui il conditionne les aides publiques aux entreprises américaines au maintien de l’emploi, il s’inscrit dans une tradition qui est celle de la gauche.
bakounine : Les socialistes peuvent-ils encore faire rêver quand on mesure ce qu’ils ont fait et ce qu’ils n’ont pas fait ?
Il y a une phrase d’un poète cubain, Nicolas Guillén, qui disait quelque chose comme : l’espérance, je la laisse pour les riches ; donne-moi la sécurité. Ce que je veux dire par là, c’est qu’aujourd’hui les réponses de la gauche doivent être orientées vers les problèmes concrets des Français, les salaires, l’endettement, le logement, l’accès à l’éducation, aux services publics.
C’est d’abord sur le réel que nous devons agir. Si l’espérance naît de cette action, c’est formidable, mais notre obsession doit être d’abord d’être utiles.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire